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Il y a un mois, le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) a adopté une résolution demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de rendre un avis consultatif sur les conséquences de l’occupation des territoires palestiniens par Israël.
Plusieurs questions se posent :
– Qu’est-ce que l’ONU et quelle est sa compétence ?
– Quelle est la compétence de la Cour internationale de justice (CIJ) ?
– Quel est le contexte de l’occupation israélienne des territoires palestiniens ?
– Pourquoi l’ONU demande maintenant cet avis à la CIJ ? Quel impact cela peut-il avoir ? Qu’est-ce qui a changé ?
Pour les deux premières questions, rendez-vous sur cet article, même si certains aspects de la compétence de l’ONU et de la CIJ seront évoqués ici.
Restez ici pour en savoir plus sur l’occupation israélienne et les territoires palestiniens occupés.
Contexte de l’occupation israélienne
Un peu d’histoire…
La création de l’État d’Israël est évoquée dès 1917, dans la déclaration de Balfour : le Royaume-Uni s’y déclare favorable à « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». La problématique de la partition de la Palestine est restée aux mains du Royaume-Unis jusque dans les années 1940 sans arriver à une quelconque conclusion.
En 1947, 30 ans après la déclaration de Balfour, et après la fin de la Seconde guerre mondiale, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la résolution 181 (II)/1947, qui prévoit que 56 pour cent du territoire palestinien sera dédié à la construction d’Israël. En 1948, l’État d’Israël est établi. Toutefois, il ne respecte pas les frontières prévues par la résolution de l’ONU en 1947 et entraîne le déplacement forcé de milliers de palestiniens,
Depuis 1947, Israël a grappillé de plus en plus de terrain sur le territoire palestinien, par la force et créant de nouveaux conflits : en 1967, durant la « guerre des six jours », Israël envahi une partie du territoire palestinien restant, causant davantage de déplacements.
Les cartes ci-dessous vous montrent quelles parties de la Palestine sont sous contrôle palestinien, israélien, ou mixte.
Violations du droit international, du droit international des droits de l’homme, et du droit international humanitaire
Les violations commises par Israël sur le territoire palestinien continuent aujourd’hui, qu’il s’agisse de violence, de discrimination, de traitement différenciés des palestinien… Pour en savoir plus sur ces différentes violations et la régularité de leur commission, consulter le site de l’ONU ici : https://news.un.org/fr/tags/palestine
Israël viole à la fois
- le droit international car il fait partie de la communauté internationale et est soumis au droit international coutumier ainsi qu’aux obligations prévues dans les traités dont il est signataire ;
- le droit international des droits humains, partie spécifique du droit international relative aux obligations d’un États envers les êtres humains ;
- le droit international humanitaire car depuis l’invasion du territoire palestinien, Israël est une force occupante en Palestine, et commet de ce fait un acte de guerre. Le droit humanitaire s’applique aux situations de conflits.
si vous voulez en savoir plus sur le droit humanitaire et les droits humains, vous pouvez consulter cet article ; et celui-ci pour le droit international.
Voici quelques violations commises par Israël (et l’instrument principal consacrant ce droit)
• Principe d’auto-détermination (Charte des Nations Unies)
• Occupation du territoire > violation du droit international humanitaire (Conventions de Genève)
• Droit à la vie (Pacte international relatif aux droits civils et politiques)
• Torture, mauvais traitements (Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)
• Droit à l’éducation (Convention sur les droits de l’enfant)
• Discriminations (Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale)
Réactions internationales
Mais, si Israël viole les droits des palestiniens depuis près de 80 ans, quelle est la réaction de la communauté internationale face à cette violation flagrante du droit international ?
Depuis 1947, l’ONU a de nombreuses fois pris position contre l’occupation de la Palestine et en faveur des droits des palestiniens :
- Assemblée générale de l’ONU, résolution 194 (1948) : droit de retour (pour les personnes qui victimes d’un déplacement forcé) et à une compensation. Résolution adoptée suite à l’invasion de 1947. Elle n’est pas respectée par Israël.
- Conseil de sécurité de l’ONU, résolution 242 (1967) : la Palestine a droit à un État indépendant. L’ONU réaffirme ce droit suite à la guerre des six jours.
- Assemblée générale de l’ONU, résolution 3236 (1974) : réaffirme le « droit inaliénable » des palestinien au retour, suite aux conflits de 1948 et 1967.
- Conseil de sécurité de l’ONU résolution 1397 (2002) : réaffirme la vision d’une région où les deux États pourraient vivre côte à côte, chaque au sein de frontière définies.
En plus de la réaffirmation des droits des palestiniens et de la condamnation des actions israéliennes, d’autres actions ont été prises par l’ONU, telles que la création de mécanismes dédiés à cette problématique :
- Assemblée générale de l’ONU résolution 3376 (1975) : établit le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien
- Conseil des droits de l’homme de l’ONU résolution A/HRC/RES/S-30/1(2021) : décidé de la création d’une Commission d’enquête internationale indépendante et permanente chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé sur les violations de droits humains commisses depuis le 13 avril 2021.
- De plus, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui examine et se prononce sur le respect des droits humains dans les États membres de l’ONU, suit un ordre du jour en 10 points lors de ses sessions, et l’un de ces points est dédié à la situation palestinienne (qui est donc discutée à chaque session). Il s’agit de la seule situation de pays placée de façon permanente à l’ordre du jour, ce qui montre son importance et la nécessité d’arriver à une résolution pacifique du conflit.
Des tentatives de résolution du conflit ont été amorcées et sont toujours en cours, donnant lieu à plusieurs accords qui n’ont toutefois pas eu les effets escomptés :
- 1993 Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie (Accords d’Oslo I).
- 1997 Accord intérimaire israélo-palestinien sur la Rive occidentale et la bande de Gaza (Accords d’Oslo II).
Au niveau des juridictions internationales,
La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert, le 3 mars 2021, une enquête sur la situation dans l’État de Palestine depuis 2014.
Pour en savoir plus sur cette procédure, consultez : https://www.icc-cpi.int/fr/palestine
La Cour internationale de justice (CIJ) avait déjà rendu un avis consultatif en 2004, à la demande de l’Assemblée générale de l’ONU, quant à la construction, par Israël, d’un mur entourant l’enclave palestinienne. Cet avis a reconnu l’illégalité de cette construction et la violation, entre autres, de la 4ème convention de Genève (droit humanitaire), du Règlement de la Haye de 1907 (droit de la guerre), des Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels.
Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004
L’Assemblée générale de l’ONU a une nouvelle fois demandé un avis consultatif à la CIJ le 30 décembre 2022, en adoptant la résolution 77/247 intitulée « Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».
Pourquoi faire une demande maintenant ?
Ces dernières années, les violations de droits humains et droits humanitaires (car il s’agit ici d’une occupation, condamnée par le droit humanitaire) ont considérablement augmenté, notamment dû aux démolitions de logements et de bâtiments, nuisant aux droits à un logement décent et à une éducation, aux soins de santé etc. C’est à la lumière de ces violations continues et croissantes que l’Assemblée générale a adopté la résolution 77/247.
En effet, en rappelant des principes de droit international ainsi que les précédentes résolutions des organes de l’ONU, l’Assemblée générale énonce, sur plusieurs pages, ses préoccupations et exhorte Israël à respecter ses obligations en vertu du droit international et la communauté internationale à se montrer solidaires avec le peuple palestinien, et fini en demandant un avis à la CIJ sur les règles et principes de droit international quant aux :
a) […] conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) […] incidence [d]es politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus […] sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
Pour l’instant, la CIJ a accepté cette demande d’avis. Pour suivre ce processus, consultez ce lien.
Limites des juridictions internationales : caractère non-contraignant
Toutes les résolutions de l’ONU ne bénéficient pas d’un caractère contraignant (voir https://ask.un.org/fr/faq/126044) et les avis consultatifs de la Cour internationale de justice ne sont que des avis, ils n’ont pas non plus de caractère contraignant.
Ces actions au niveau international permettant de mettre en lumière les violations commisses et d’appelé la communauté internationale à agir pour faire cesser ces violations. L’avis consultatif de la Cour internationale de justice, bien que n’ayant pas de caractère contraignant, pourra donner un poids plus grand encore aux pressions pesant sur Israël pour qu’il reconnaisse sa responsabilité dans les violations et y remédie. Cela pourra aussi servir à l’enquête en cours de la Cour pénale internationale.
« Dénués d’effet obligatoire, les avis consultatifs de la Cour n’en possèdent pas moins une haute valeur juridique ainsi qu’une grande autorité morale. Ils constituent souvent un instrument de diplomatie préventive et ont des vertus pacificatrices. Les avis consultatifs contribuent également, à leur manière, à l’éclaircissement et au développement du droit international et, par ce biais, au renforcement des relations pacifiques entre les Etats. »
Sources :
Pour l’histoire https://www.un.org/unispal/history/ (en anglais)
Sur la Palestine et l’ONU :
Pour des informations sur la Palestine https://news.un.org/fr/tags/palestine
Pour des informations du Comité pour les droits inaliénables des palestiniens https://press.un.org/fr/comit%C3%A9-pour-les-droits-inali%C3%A9nables-du-peuple-palestinien
Pour en savoir plus sur les droits violés par Israël :
- https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/israel-and-occupied-palestinian-territories/report-israel-and-occupied-palestinian-territories/
- https://www.hrw.org/fr/moyen-orient/afrique-du-nord/israel/palestine
Sur la compétence de la Cour Internationale de Justice en matière consultative : https://www.icj-cij.org/fr/competence-en-matiere-consultative