Tout d’abord, à quoi fait référence le terme « droit européen » ? À des règlements et instruments européens ? Ou uniquement au « droit » créé par l’Union européenne ?
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Vous pouvez consulter mon article sur les organisations internationales et régionales pour avoir un aperçu des institutions européenne ; cliquez > ici < !
Définition du droit européen
Le droit européen peut en réalité faire référence à différentes composantes :
- Droit de l’Union Européenne (aussi : droit de l’UE, droit communautaire) ;
- Droit dérivé de la Convention européenne des droits de l’homme (du Conseil de l’Europe) ;
- Standards et les lois communes aux États européens ;
- Droit des États européens.
Et théoriquement, cela fait référence à tout ça en même temps.
Veuillez noter que cet article va seulement traiter des deux premiers points !
Droit de l’Union européenne (DUE ou droit de l’UE)
Le droit de l’UE est composé de trois éléments : le droit primaire, le droit secondaire et la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (CJUE).
1. Droit primaire
Le droit primaire est avant tout composé des traités fondateurs, mais également des traités les modifiants, des traités d’adhésion, des accords complémentaires et de la Charte européenne des droits fondamentaux. Vous pouvez trouver la liste de tous ces instruments sur le site de l’UE.
Pour information, voici les traités fondateurs :
- 1951, le traité de Paris (instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier) ;
- 1957, le traité de Rome (instituant la Communauté économique européenne et l’Euratom) ;
- 1992, le traité de Maastricht (créant l’Union européenne)
Et quelques-uns des traités modificatifs :
- l’Acte unique européen de 1986 (il révise le traité de Rome et introduit une coopération politique) ;
- le traité d’Amsterdam de 1997 (il élargit le domaine d’action du premier pilier ainsi que les pouvoirs de la Cour).
Ces traités et autres instruments fournissent des règles matérielles et prévoient la mise en place organisationnelle de l’UE.
2. Droit dérivé
Le droit dérivé englobe les actes adoptés par les organes de l’UE.
- Certains sont contraignants : les règlements (actes législatif contraignant) ; les directives (acte législatif créant un objectif que les États membres doivent atteindre et mettre en œuvre par le biais de lois internes) ; les décisions (provenant par exemple de la Commission européenne ; elles sont contraignants pour leur destinataire) ;
- D’autres sont non-contraignants : les recommandations et les opinions.
3. Jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
Un jugement est, en principe, applicable uniquement aux parties au conflit. Toutefois, il peut arriver qu’au cours d’une décision ou d’un jugement, un principe clé soit expliqué et que les juges estiment qu’il doive s’appliquer à tous.
Application du droit de l’Union Européenne :
Le droit de l’UE fait partie intégrante du droit international, mais il en diffère également car il poursuit un but d’intégration, et est donc applicable directement dans les États membres de l’UE. C’est ce qu’on appelle l’effet direct du droit de l’UE, tel que consacré dans l’arrêt de 1963 de la CJUE Van Gend en Loos contre Administration fiscale néerlandaise.
Extraits de l’article de l’UE sur l’effet direct :
L’effet direct revêt deux aspects: un effet vertical et un effet horizontal.
- L’effet direct vertical joue dans les relations entre les particuliers et le pays. Cela signifie que les particuliers peuvent invoquer une disposition du droit de l’UE à l’égard de l’État.
- L’effet direct horizontal joue dans les relations entre les particuliers. Cela signifie qu’un individu peut invoquer une disposition du droit de l’UE vis-à-vis d’un autre particulier.
- Selon le type d’acte concerné, la Cour a accepté soit un effet direct complet (c’est-à-dire un effet direct horizontal et un effet direct vertical), soit un effet direct partiel (limité à un effet direct vertical).
Effet direct et droit primaire
- En ce qui concerne le droit primaire, la Cour a établi le principe de l’effet direct dans l’arrêt Van Gend en Loos. Toutefois, elle a indiqué comme condition que les obligations soient précises, claires, inconditionnelles, et qu’elles ne fassent pas appel à des mesures complémentaires, de nature nationale ou européenne.
- Dans l’arrêt Becker, la Cour refuse l’effet direct dès lors que les pays possèdent une marge de manœuvre concernant la mise en œuvre de la disposition visée et ce, aussi minime soit-elle. Dans l’arrêt Kaefer et Procacci contre État français, la Cour affirme que la disposition en question est inconditionnelle, car elle ne laisse aucune marge d’appréciation aux États membres et a donc un effet direct.
Effet direct et droit dérivé
Le principe de l’effet direct concerne également les actes de droit dérivé, c’est-à-dire les actes adoptés par les institutions de l’UE, tels que les règlements, directives et décisions, qui découlent des principes et des objectifs énoncés dans les traités. Cependant, la portée de l’effet direct dépend du type d’acte.
- Règlements. Les règlements ont toujours un effet direct. En effet, l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que les règlements sont directement applicables dans les États membres. La Cour a précisé dans son arrêt Politi/Ministero delle finanze qu’il s’agit d’un effet direct complet.
- Directives. Les directives sont des actes adressés aux États membres qui doivent être transposés en droit national. Pourtant, la Cour leur reconnait dans certains cas un effet direct afin de protéger les droits des particuliers. Ainsi, la Cour a établi dans son arrêt Van Duyn contre Home Office qu’une directive a un effet direct si elle est claire, précise, inconditionnelle et si l’État membre de l’UE n’a pas transposé la directive dans les délais. Cependant, l’effet direct ne peut être que de nature verticale: les directives s’imposent aux États membres de l’UE, mais ne peuvent pas être invoquées par les États membres de l’UE contre un particulier (voir l’arrêt Ratti).
- Décisions. Les décisions peuvent avoir un effet direct lorsqu’elles désignent un État membre comme destinataire. La Cour ne reconnaît donc qu’un effet direct vertical (arrêt Hansa Fleisch contre Landrat des Kreises Schleswig-Flensburg).
- Accords internationaux. Dans son arrêt Demirel contre Stadt Schwäbisch Gmünd, la Cour a reconnu un effet direct à certains accords selon les mêmes critères dégagés dans l’affaire Van Gend en Loos.
- Avis et recommandations. Les avis et recommandations ne disposent pas d’une force juridique contraignante. Par conséquent, ils n’ont pas d’effet direct.
Droit dérivé de la CEDH
La seconde partie du droit européen et le droit dérivé de la Convention Européenne des droits de l’homme (CEDH) de 1950. Notez que la CEDH n’est pas liée à l’Union européenne mais bien au Conseil de l’Europe (cliquez ici pour voir la différence entre les deux).
La CEDH (Convention) liste les droits humains que les États doivent respecter et garantir.
Et la Cour européenne des droits de l’homme s’assure de ce respect et juge les personnes violant les droits humains ; par le biais de sa jurisprudence, elle comble également les lacunes et éclaircit les droits et devoirs découlant de la CEDH. Si cela vous intéresse, vous pouvez trouver la jurisprudence de la Cour, par thème ou par article de la CEDH, ici.
Comme vous avez pu le noter, la part sur la CEDH est plus brève que celle sur le droit de l’UE. Cela s’explique par le fait qu’on se réfère la plupart du temps au DUE lorsqu’on parle de droit européen, et qu’il est plus développé (car il comprend un plus grand nombre d’actes).
Vous trouverez ci-dessous des articles utilisés lors de la création de cet article, ainsi que des ressources intéressantes.
Pour aller plus loin :
Récent article du Conseil de l’Europe (en anglais): How the Maastricht Treaty changed Europe.
Article des professeurs Goldman et Vogel sur le droit européen (extraits accessibles gratuitement) https://www.universalis.fr/encyclopedie/droit-europeen/
Article sur le droit de l’union européenne https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-droit-de-l-union-europeenne/
Ressources :
Commission européenne, Direction générale de la communication, Borchardt, K., L’ABC du droit de l’Union européenne, Publications Office, 2018, https://data.europa.eu/doi/10.2775/400034
Commission européenne, types d’actes législatifs de l’UE https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/types-eu-law_fr
Union européenne, types d’actes législatifs https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/law/types-legislation_fr
EUR-Lex, accès au droit de l’UE https://eur-lex.europa.eu/homepage.html?locale=fr
Synthèses de la législation de l’UE (par thème) https://eur-lex.europa.eu/browse/summaries.html?locale=fr
Le politiste, https://le-politiste.com/les-sources-du-droit-europeen/